L’amiante, élément phare de la construction dans les années 70 et 80, est désormais au cœur de difficultés sanitaires. Encore présente dans un nombre colossal de bâtiments et d’infrastructures, comment, aujourd’hui, se débarrasser de l’amiante ?
Qu’est-ce que l’amiante ?
L’amiante désigne un ensemble de silicates fibreux que l’on trouve dans des gisements naturels ou associés à d’autres minéraux comme le talc, la vermiculite ou la chrysolite. Présente dans le monde entier, les principaux gisements d’amiante se trouvent néanmoins au Canada, qui devint dans les années 60, l’un des plus grands exportateurs d’amiante, alimentant près de 40 % de la production mondiale.
L’amiante a très vite attiré l’attention des industries grâce à ses nombreuses propriétés. Elle est, par exemple, particulièrement résistante au feu ; son nom latin « abestos » signifie même « incombustible », mais ce n’est pas tout. L’amiante combine également plusieurs propriétés comme l’élasticité, la résistance aux agressions chimiques, la résistance mécanique, la faible conductivité thermique, acoustique et électrique qui, associées à un coût très faible, ont fini par en faire un des matériaux les plus utilisés dans la construction et les manufactures.
L’utilisation de l’amiante
L’amiante semble avoir toujours été connue des populations humaines. Utilisée il y a 4 500 ans d’abord par les Finlandais et les Grecs, elle émaille ensuite régulièrement les récits historiques : de Charlemagne qui jetait des nappes d’amiante au feu pour les nettoyer (et impressionner ses invités au passage), en passant par Marco Polo qui rapporte dans ses mémoires avoir vu un drap magique incombustible en Sibérie et par les pompiers de Rome qui, en 1826, imaginaient des combinaisons en amiante pour lutter contre les incendies, l’amiante semble avoir toujours fasciné. Ce n’est pourtant qu’avec la Révolution Industrielle que ce matériau est produit à plus grande échelle, avant d’être exploité massivement par les besoins de reconstruction due aux ravages de la première guerre mondiale.
Et en effet, à partir du XXème siècle l’amiante fut principalement utilisée pour ses propriétés isolantes et calorifuges lors de l’isolation thermique et sonore des immeubles et des maisons. On retrouve ainsi de l’amiante dans les matériaux d’étanchéité, les revêtements intérieurs, les produits à base de ciment et de plâtre, les produits papiers, les feutres, etc. Mais la construction n’est pas le seul domaine ayant utilisé l’amiante de façon industrielle, puisque les vêtements de protection thermiques et ignifuges en contenaient également, sans parler des matériaux d’emballage, des matériaux isolants, des matières de remplissage comme les résines, des produits de calfeutrage ou des systèmes de chauffage industriel, etc. Petit à petit l’amiante envahit donc au cours du XXème siècle tous les aspects de la vie quotidienne.
L’impact de l’amiante sur la santé
Si l’utilisation de l’amiante est donc millénaire, force est de constater que les signalements de son impact sur la santé le sont aussi. Ainsi, Pline l’Ancien, le père du terme « amiante » (dénomination privilégiée en France), issu du grec « amiantos » qui signifie « incorruptible », mentionne déjà au Ier siècle après J.C. les complications pulmonaires subies par les esclaves romains chargés de tisser des vêtements d’amiante.
Or, avec l’exploitation industrielle de celle-ci, ces « complications » semblent se multiplier. Dès les années 1890, l’inspecteur départemental du travail, Denis Auribault, décide de mener une étude sur la surmortalité des travailleurs dans l’usine textile de Condé-sur-Noireau, dans le Calvados. Il découvre alors un lien entre cette surmortalité et l’exposition des employés aux fibres d’amiante. Durant les cinq années que dura l’étude, près de cinquante ouvriers décédèrent des conséquences de leur proximité avec celles-ci, mais le rapport de Denis Auribault restera pourtant lettre morte.
Le lien entre amiante et cancer du poumon n’est finalement établi scientifiquement qu’en 1955, grâce à la publication de l’épidémiologiste Richard Doll dans le « British Journal of Industrial Medecine » et il faudra attendre 1973 pour que l’amiante soit enfin considérée comme cancérigène par le CIRC (le Centre International de Recherche sur le Cancer). En attendant, la consommation annuelle d’amiante en France atteint à cette époque, les 150 000 tonnes.
L’interdiction de l’amiante
En 1997, alertées par les institutions médicales, les autorités publiques françaises interdisent enfin l’utilisation de l’amiante et mettent en place un dispositif pour protéger les populations des immeubles déjà construits. Des normes ont été instaurées pour faciliter le repérage de l’amiante et élaborer des plans de surveillance ainsi que des interventions dans les zones à risques. Des travaux sont imposés aux propriétaires, dans le cas où la vie des résidents est mise en danger, et la circulation de l’information quant à la présence d’amiante dans les bâtiments devient obligatoire.
Au niveau médical, dès 1998, le mésothéliome pleural ou cancer de la plèvre, fait l’objet d’un programme de surveillance. Il reste, en effet, le principal marqueur pour déceler la présence de l’amiante et en analyser les conséquences qui, aujourd’hui encore, occasionnent près de 3 000 victimes par an en France.
En 2015, le plan de recherche et de développement amiante est lancé par le ministère en charge du Logement pour soutenir la rénovation des bâtiments amiantés. Il inclut deux axes principaux :
- L’amélioration de la détection et de la mesure de l’amiante
- L’amélioration de la gestion des chantiers amiantés.
Enfin, en 2017, un repérage amiante avant travaux sur les navires, les infrastructures et les matériels roulants ferroviaires devient obligatoire.
Comment agir ?
En France, près de 15 millions de logements, dont 3 millions de logements sociaux, sont encore contaminés par l’amiante. Or, en vieillissant, l’amiante se dégrade et libère des poussières volatiles extrêmement fines (entre 400 et 500 fois moins épaisses qu’un cheveu) qui pénètrent dans les voies respiratoires et finissent par provoquer des maladies graves. Désormais interdite, il est obligatoire d’opérer un diagnostic amiante avant toute vente immobilière ou travaux de destruction.
Dans le cas où de l’amiante est repérée à hauteur de cinq fibres d’amiante par litre d’air, le désamiantage doit être fait par des professionnels certifiés dans les 36 mois suivant le diagnostic. La procédure de retrait est relativement lourde à cause de la toxicité des matériaux à éliminer. Il faut dépoussiérer, confiner la zone afin d’éviter l’évacuation des fibres d’amiante vers l’extérieur, puis retirer, recouvrir ou encapsuler les produits amiantés. Les déchets du chantier sont ensuite apportés à un centre de traitement spécialisé qui délivre un certificat de prise en charge de déchets dangereux. Pour finir, un nettoyage en profondeur doit être effectué après les travaux avant de procéder à un dernier contrôle afin de s’assurer que toute l’amiante a été éliminée.
Ces entreprises de spécialistes, les diagnostiqueurs amiante, sont formées pour repérer et intervenir dans les zones contenant de l’amiante. Généralement couplés avec des laboratoires dédiés, ces professionnels disposent des outils et des certifications nécessaires pour agir. Les experts de DEKRA Prélèvement et Analyse par exemple, interviennent ainsi dans toute la France pour accompagner les professionnels et les particuliers dans les processus de désamiantage et de maîtrise des risques liés à ces matériaux.
Par ailleurs, une aide est également accordée aux particuliers par l’Agence Nationale de l’Habitat pour aider les propriétaires (bailleurs ou résidents) à réaliser des diagnostics techniques amiante et des travaux d’élimination ou d’isolation des matériaux contenant de l’amiante. Des mesures salutaires qui commencent enfin à répondre à l’ampleur de la tâche du désamiantage en France.