Chaque année, environ 700 tonnes de munitions sont extraites du sous-sol français, vestiges des trois guerres et des nombreux sites militaires rétrocédés aux activités civiles. Cette présence d’engins explosifs est appelée pollution pyrotechnique, et exige des compétences très particulières, en amont du déminage proprement dit. Les experts DEKRA, Gilles DENGLOS (Ingénieur HSE) et Julien PLANNEL (Chef de pôle Référent métier), nous entraînent dans le monde sous-terrain et méconnu de leurs enquêtes historiques et techniques, indispensables à la sécurité publique.

20.03.2025
Temps de lecture: 8 minutes

À la découverte de la dépollution pyrotechnique avec les experts DEKRA

Cette pollution pyrotechnique, elle vient d’où ?

« Le risque pyrotechnique est bien présent dans le sous-sol français puisque trois guerres (1870, 1914-18, 1939-45) se sont déroulées sur le territoire national, avec énormément de stigmates, certes invisibles, mais qui sont bel et bien là. 

Encore récemment, la gare du Nord à Paris a été bloquée à cause d'une bombe anglaise retrouvée lors de travaux. Ça, c'est tous les jours ! Tous les jours, des munitions ressortent du sous-sol… 

En plus de ces munitions éparpillées partout, il y a également tous les anciens terrains militaires qui sont vendus ; la politique de réduction en personnel et en matériel touche aussi le foncier, il y a donc des rétrocessions depuis un certain nombre d'années. 

Dans le domaine militaire, les pollutions pyrotechniques peuvent aussi être liées à des sites de production d’armement. En fait, c'est pour ainsi dire de la pollution industrielle. Il y a énormément de constructions depuis des années sur d’anciens sites de production de matériel énergétique, avec présence de poudre ou d’explosif, et des productions qui ont laissé énormément de pollution dans le sous-sol. »

Comment ce risque pyrotechnique est-il pris en compte par la loi ?

« Ce risque n'est pas spécifiquement pris en compte dans le code du travail, qui dit : "vous devez faire une évaluation du risque". Par contre, il y a une réglementation qui est applicable au niveau du ministère des armées (R733-3 et R733-4 du code de la sécurité intérieure). Ce code précise que sur les anciens terrains militaires, une étude historique et technique de pollution pyrotechnique doit être établie. Un dispositif réglementaire existe donc, spécifiquement pour les terrains militaires, autrement dit, dépendants du ministère des armées. 

Ce que le client doit savoir pour rester en conformité, c'est qu’effectivement le code du travail ne stipule pas qu'il faut réaliser une étude historique et technique de pollution pyrotechnique, mais plus largement une évaluation du risque, y compris une étude de pollution des sous-sols, et donc implicitement du risque pyrotechnique, même si ce n’est pas clairement établi. 

Une nouvelle mouture de la réglementation en cours de rédaction, précisera clairement qu’avant un projet, une étude historique et technique de pollution pyrotechnique doit être réalisée. En réflexion depuis 10 ans… »

Et ce risque, sur le terrain, quel est-il ?

« C’est un champ d'action très large pour une mission qui est souvent méconnue des clients. Certains ne font pas leurs études de pollution pyrotechnique, ce qui génère après coup des problèmes qui remontent alors que le projet est déjà en cours de réalisation ! Et là, il y a des risques de dérapage au niveau du planning, des blocages de chantiers qui sont conséquents pour un client et c'est souvent très problématique. La gestion d'un risque pyrotechnique ne se fait pas en 5 minutes ! Il s’agit d’opérer avec minutie et précision, et en amont, de manière à ne pas se retrouver avec une bombe dans un godet ou un malaxeur qui explose, parce que ça n’arrive pas tous les jours en France, mais presque. On n’en parle pas, mais il y a des accidents fréquemment. Il n’y a pas de mort pour l'instant, on a de la chance, mais on va vers l'accident mortel, c'est sûr. 

La sécurité face à un risque pyrotechnique ne s'arrête pas forcément aux limites de l'emprise : on peut avoir des zones d'impact qui vont bien au-delà. Un risque d’explosion de bombe, c'est un rayon de 1500 m à peu près autour du point de découverte. Il est courant d’avoir des impacts en dehors des emprises, militaires ou industrielles, qui se gèrent avec les services compétents de l'État, les services préfectoraux avec qui on est régulièrement en contact pour différents dossiers. 

Derrière, il y a avant tout de l'humain à protéger… et du matériel. »

Quel est votre rôle ? Démineur ?

« Pas du tout ! La mission essentielle, c'est l'étude historique et technique de pollution pyrotechnique. C'est elle qui définit s’il y a un risque. C'est la chose essentielle, à prendre en compte le plus tôt possible, parce que cela va déterminer tout ce qu'il y a à faire derrière. 

En cas de présence d’un risque pyrotechnique résiduel, nombreux sont ceux qui appellent les services de la préfecture en disant : « on a trouvé une munition ». Et puis 2 jours après ils en retrouvent une et encore une autre, et au bout de 3 fois le centre de déminage dit : « stop, on ne va pas venir tous les jours chez vous ! Faites réaliser une opération de dépollution pyrotechnique ! » Pour des raisons économiques, on opte aujourd’hui souvent pour des terrains à faible valeur, il est important de sensibiliser les installateurs de panneaux photovoltaïques par exemple, et notamment pour des terrains qui ont été impactés pendant les guerres. Il en est de même pour le secteur éolien. Tous les sites sont un peu stratégiques historiquement, (gares, usines...). 

Le secteur de la téléphonie est aussi concerné, les réseaux de chauffage, mais aussi, la construction de prisons. Les agriculteurs font également souvent appel au service de déminage du Ministère de l’Intérieur pour retirer des obus de leurs champs. »

Et sur quoi se basent ces études ?

« On s'appuie sur des éléments tangibles et qui ne sont pas contestables, des rapports militaires, des images d'époque qui nous permettent d’évaluer l’impact des faits de guerre, par exemple. On réalise des études historiques, sur terre, mais également sur le littoral. Dans le domaine photovoltaïque et éolien, le sujet pyrotechnique va se poser tout de suite. J’ai un terrain, qu'est-ce que je peux en faire ? Mon projet est-il viable ? Dès qu’on fait du terrassement, il faudrait se poser la question : « est- ce que je ne vais pas creuser à un endroit où il ne faut pas ? » 

Gilles DENGLOS travaille avec des cartes de l’armée américaine et des comptes rendus très précis de bombardements où l’on voit les impacts, comme l’attaque du 19 juillet 1944 sur la gare de Strasbourg : 850 bombes larguées, repérées via des photos aériennes de reconnaissance, souvent trouvées en Angleterre... Quant aux études en mer, elles se révèlent encore plus complexes, demandant de réaliser des études de courant pour comprendre comment une mine à orin a pu dériver. 

« Toute notre expertise permet d’effectuer une synthèse du risque résiduel sur la zone et de clairement exposer les raisons. C'est l'objectif d'une étude historique et technique pyrotechnique : aller chercher dans les archives militaires ou civiles ce qui a été utilisé pour l'objectif visé, identifier les munitions utilisées et leur modèle. 

C’est donc ça, la première étape lors de laquelle on peut aider un client ; des études historiques et techniques qui nous permettent de définir si effectivement un risque subsiste sur l'emprise, la nature du risque résiduel susceptible d’être trouvé, et les profondeurs dans lesquelles on peut les trouver. Toutes ces informations nous permettent de guider les opérations en fonction du besoin du client. La deuxième étape sera l'audit délivré au client. Une fois que les risques sont identifiés, on passe à l’assistance à maîtrise d'ouvrage pour gérer ce risque sur le projet. 

En premier lieu, nous observons les impacts que la pollution pyrotechnique résiduelle susceptible d’être présente peut avoir sur les travaux envisagés. Ensuite, on est amené à rédiger des marchés publics, en participant à l'attribution de ces marchés en fonction des pièces que l'on aura établies auparavant. »

Que se passe-t ’il après cette phase d’études ?

« On nous interroge souvent pour réaliser une partie des travaux à la suite des études (le diagnostic par exemple), mais nous ne sommes pas juge et partie, donc nous avons fait le choix de nous positionner en maîtrise d'ouvrage, avec de l’assistance à la maîtrise d'ouvrage et un rôle de chargé de sécurité pyrotechnique. Dès la rédaction des documents de sécurité, nous intervenons pour donner un avis et ensuite suivre le chantier par des visites hebdomadaires pour vérifier que les travaux sont réalisés conformément à la documentation fournie. 

Nous ne nous engageons pas sur les travaux, en revanche nous pouvons aider à trouver la bonne société de dépollution qui, techniquement et économiquement, répondra au mieux aux besoins de notre client. »

Pourquoi faire appel à DEKRA et à vos services en cas de travaux ?

« Tout ce qui est relatif à la gestion de la sécurité est très important, et le risque pyrotechnique ne s'arrête pas forcément aux murs ou aux limites du terrain du projet. 

Par ailleurs, notre action s’inscrit dans une continuité avec les missions diagnostics de pollution des sols axés avant tout, sur la pollution chimique. Associée à cette mission, notre expertise, ainsi que le respect des prescriptions réglementaires associées à la réalisation d’une étude historique et technique de pollution pyrotechnique permettent à la maîtrise d’ouvrage d’avoir une vision complète des risques potentiellement encore enfouis dans le sous-sol du projet. 

L’autre avantage, c’est la proximité avec nos Coordonnateurs Sécurité et Protection de la Santé (CSPS) qui sont sur les chantiers pour gérer la co-activité des entreprises en terme de sécurité. Ce sont des missions distinctes, mais que les clients ont tout intérêt à jumeler. 

D’ailleurs, ils apprécient cette synergie, puisqu’ils refont appel à nous. Nos clients sont fidèles parce qu'ils sont satisfaits. Notre force et notre différence : la réactivité. Il y a une problématique, nous la gérons tout de suite, sans attendre, pour faire une proposition commerciale. C'est la réactivité qui souvent sonne le départ, puis la qualité de notre suivi. L’objectif est de ne pas laisser le client dans l'expectative, surtout ne pas perdre de temps. 

Il faut bien garder à l’esprit que l’on en a encore pour 3 ou 4 siècles à nettoyer ce qui a été déversé sur le sol français entre 1870 et 1945 ! » 


Pour aller plus loin : 

Pyrotechnie : sécurité et savoir-faire

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