Les médias grand public se font l’écho de plus en plus fréquent de l’effondrement d’immeubles, qu’ils soient habités, en cours de réhabilitation ou vidés de leurs occupants pour des raisons de sécurité. Et le retentissement donné à ces catastrophes est bien naturel, tant il paraît incroyable que ce type d’événements arrivent de nos jours, malgré la myriade de normes, de contraintes et de contrôles auquel le bâti est soumis. C’est justement pour éviter que trop de constructions ne passent au travers des nombreuses procédures de vérification que le législateur a entrepris de simplifier le système de contrôle de sécurité et de salubrité des immeubles.

27.03.2024
Temps de lecture: 7 minutes

Habitat dégradé, effondrements de bâtiments : de quels risques parle-t-on ?

 

Les images sont souvent spectaculaires, et hélas les bilans humains toujours trop lourds : les effondrements de bâtiments dégradés font régulièrement les grands titres, avec une récurrence croissante ces dernières années. Incurie des propriétaires, difficultés financières, malfaçons, instabilité des sols due au changement climatique ? Ces explications sont toutes possibles, et se cumulent parfois.

Les causes les plus fréquentes des effondrements de bâtiments :

A la construction

  • Le défaut de conception (erreur de calcul de résistance des matériaux, contreventement insuffisant…),
  • La mauvaise réalisation (ferraillage insuffisant, temps de séchage non respecté…),

En exploitation

  • La modification de la structure porteuse de la charpente,
  • La vétusté (défaut de couverture / fermeture),
  • L'amenée d'eau accidentelle (infiltrations, fuite,...) sur des structures en bois,
  • L’excès de charge,
  • La modification des caractéristiques techniques du sol d’assise (tassements différentiels…).

A la démolition ou réhabilitation

  • Le non-respect des pratiques de démolition (étayage, fers de reprise, structures provisoires de renfort…),
  • Le mauvais phasage des travaux.

L’importance des préconisations des bureaux d’études techniques s’avère déterminante, quelle que soit la phase de la vie du bâtiment, pour en assurer la bonne gestion à long terme.

Qui est concerné ?

L’habitat collectif métropolitain est évalué à 1,5 million d’immeubles, dont la construction s’est étagée sur plus de 200 ans. Autant dire que les techniques constructives ont énormément évolué, en particulier dans le dernier siècle.

Tous les gestionnaires d’immeubles sont donc concernés par la solidité des structures, qu’ils en soient propriétaires, bailleurs institutionnels, promoteurs. Mais plus largement, cette question touche aussi les collectivités territoriales et leurs agences de développement économique, les acteurs de la construction, de la rénovation et de la démolition, les prestataires d’études techniques, les entreprises et associations fournissant des services aux occupants de bâtiments d’habitation.

Bien évidemment, les immeubles situés en zones à risque géologique (volcans, séismes et mouvements de terrain) sont particulièrement à surveiller, mais de nouveaux risques naissent des changements climatiques avec des conséquences sur l’état des sols, très localement ; retrait gonflement des argiles (RGA), affaissements, etc.

L'accélération et la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement : un cadre réglementaire en évolution

Si la lutte contre l’habitat indigne s’appuie depuis 1990 sur la loi n° 90-449, la matérialité des contrôles, des recours et des procédures à mettre en œuvre pour protéger les occupants et le public était bien trop labyrinthique, laissant de nombreux immeubles passer au travers des mailles du filet. L’ordonnance du n°2020-1144 du 16 septembre 2020 est venue dans un premier temps simplifier, depuis le 1er janvier 2021, le dispositif administratif. Les polices des immeubles, locaux et installations sont donc regroupées en une seule police spéciale de la sécurité et de la salubrité des immeubles.

La Loi Climat et Résilience du 22 août 2021 « lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets,» rend obligatoire le Projet de Plan Pluriannuel de Travaux (PPPT) pour les copropriétés.

Quels sont les objectifs principaux de ces réformes ?

  • L’harmonisation des polices de lutte contre l’habitat indigne, pour des règles claires,
  • Le pouvoir donné aux maires de prendre les arrêtés nécessaires, pour faire face à l’urgence,
  • Une action contre l’habitat indigne au niveau intercommunal, pour une efficacité accrue.

D’après le Code de la construction et de l’habitation (art. L. 511-4) l’autorité compétente est le maire, mais le préfet dispose également d’un pourvoir de police concernant les sujets d’insalubrité. Hormis le régime spécifique prévu pour Paris, on peut schématiquement dire que le préfet a la haute main en ce qui concerne la santé des personnes et le maire (ou l’intercommunalité) pour leur sécurité.

La nouvelle volonté du gouvernement de traiter la problématique de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement :

A ce jour, 400 000 logements du parc privé en métropole et près de 150 000 en outre-mer sont considérés comme potentiellement indignes. Le 14 mars 2024, députés et sénateurs ont trouvé un accord sur un texte final (en attente du vote par l'Assemblée nationale et le Sénat, avant promulgation) visant des objectifs majeurs :

  • Favoriser les grandes opérations d’aménagement.
  • Réagir plus fermement et rapidement aux situations d’habitat dégradé en permettant une intervention précoce et en simplifiant les procédures qui peuvent prendre jusqu’à vingt ans.
  • Établir, notamment à partir d'une analyse documentaire et d'un examen visuel : des éléments de structures, de second œuvre et d'équipements, la liste des travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble (préservation de la santé et de la sécurité des occupants, réalisation d'économies d'énergies, réduction des émissions de gaz à effet de serre).

Le projet de loi redéfinit les critères permettant de caractériser l’état irrémédiable de l’insalubrité ou de l’insécurité d’un bâtiment avec :

  • La possibilité pour toutes les copropriétés de souscrire plus facilement un prêt global et collectif.
  • La volonté de favoriser la rénovation à la démolition avec la création d’une nouvelle procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique des propriétaires de logements frappés par un arrêté de péril ou d'insalubrité.
  • La sécurisation du traitement des copropriétés dégradées passant par l'insaisissabilité des comptes bancaires de copropriétés en redressement.
  • Une clarification du régime applicable au droit de préemption urbain pour permettre aux collectivités locales de mettre las actions en œuvre plus facilement.

Risques d'effondrement : quelle stratégie mettre en œuvre ?

Les propriétaires, bailleurs et gestionnaires administrent leur patrimoine immobilier à long terme, et peuvent donc mettre en place des stratégies de prévention contre le risque d’effondrement. Pour cela, un état des lieux exhaustif et complet est indispensable. Chaque immeuble, sa situation, ses équipements, sa structure, son passé, ses transformations : tout est important et peut avoir une incidence sur les mesures de prévention. Il convient ensuite de :

  • Documenter et gérer les données de chaque bien, des rapports d’expertise aux documents réglementaires,
  • Confier le suivi de chaque bâtiment à un prestataire compétent,
  • Suivre la bonne mise en œuvre des actions correctives et travaux de maintenance ou d’amélioration,
  • Valider la démarche de surveillance par un organisme de contrôle.

Les principes de précaution doivent s’appliquer à chaque fois qu’un doute est émis sur la solidité d’un élément, tant les conséquences humaines et matérielles d’un effondrement, même partiel, peuvent être dramatiques. Et tout manquement à des inspections sérieuses entraînerait la responsabilité du propriétaire des locaux. La visite périodique, assurée par des professionnels, est le meilleur moyen de relever des anomalies ou des suspicions, et d’envisager les solutions à mettre en œuvre. Le suivi des réparations et actions correctives est aussi primordial pour lever définitivement les doutes sur un point particulier, et en faire contrôler la bonne exécution par un spécialiste.

Pour un diagnostic complet de vos bâtiments ? : DEKRA est là.

Pris très tôt, les désordres qui peuvent affecter une structure sont souvent relativement faciles à corriger. C’est pourquoi la maintenance prédictive des infrastructures est la stratégie à privilégier, avant même de détecter à vue les premiers signes. Pour mener à bien leurs inspections, les experts DEKRA possèdent une batterie d’outils et de méthodes :

  • La visite technique : elle permet de constater les atteintes visibles, sur les parties apparentes des structures. 
  • Le diagnostic technique instrumenté : à l’aide d’outils de test sophistiqués (mesureurs de potentiel de corrosion, mesureurs d'épaisseur par ultra son, scléromètres, pachomètres, radars, caméras thermiques ou endoscopiques), les techniciens auscultent littéralement le bâtiment, pour comparer les caractéristiques mécaniques des matériaux aux valeurs qu’elles devraient théoriquement présenter à l’état de départ. Ces examens permettent de mesurer l’avancement des désordres et choisir les traitements appropriés. 
  • Le contrôle instrumenté en continu : une fois identifié et circonscrit, un point de faiblesse d’une structure (fissures, inclinaison) peut être mis sous haute surveillance avec des capteurs connectés, des mesures électroniques, qui renseignent en permanence sur son évolution éventuelle. 

Cette préoccupation pour la qualité et la durabilité du bâti s’inscrit naturellement dans une logique de gestion économique du patrimoine immobilier, mais porte également les enjeux de préservation environnementale et de transition écologique. Ses effets concordent avec les objectifs de la Taxonomie Verte, déterminée par l’UE, visant à favoriser les investissements dans les solutions aptes à assurer un réel développement durable.

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