Suspectant des manquements ou du moins des incompréhensions de la part de certains professionnels dans l’émission de leurs certificats de conformité modèle 2 (CC2), la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) a chargé la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Environnement, de l'Aménagement et des Transports d’Île-de-France (DRIEAT) de procéder à des contrôles. Plus pédagogique que punitive dans un premier temps, cette « expérimentation » pourrait être étendue à d’autres régions à partir de 2024.

09.01.2024
Temps de lecture: 6 minutes

Inspection de l'environnement : vos CC2 s'il vous plaît !

 

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Pourquoi cet écart, chaque année, entre le nombre de chaudières gaz vendues sur le marché français et celui, notablement inférieur, de CC2 émis par les installateurs ? C’est pour éclaircir ce mystère statistique, et le cas échéant prévenir les risques que pourraient entraîner des omissions (volontaires ou non), que la DGPR a confié il y a quelques mois à la DRIEAT la mission d’effectuer une série de contrôles auprès d’un échantillon d’entreprises franciliennes. Audrey Pingard, adjointe au chef de bureau de la sécurité des équipements à risques et des réseaux au sein de la DGPR, et Simon Cadio, inspecteur des installations classées pour la protection de l'environnement à la DRIEAT, reviennent sur ces inspections et en dressent un premier bilan.

 

Quel problème rencontrez-vous avec les CC2 et quel type d’entreprises les contrôles effectués par la DRIEAT ont-ils visé ?

Audrey Pingard :

Le suivi des certificats de conformité des installations intérieures de gaz relève de la DGPR, et plus spécifiquement de notre bureau. À ce titre, nous nous référons aux articles 21 et suivants de l’arrêté ministériel du 23 février 2018 modifié qui imposent la réalisation, par des organismes habilités, d'audits de conformité des installations intérieures de gaz. Ces audits attestent de la conformité des installations de gaz et visent à garantir la sécurité des usagers. Un certificat de conformité CC2 est validé par un organisme habilité dès lors qu'il s'agit de modifier une installation gaz existante ou d'en installer une nouvelle dans un logement. La décision de réaliser des contrôles sur la bonne application de cet arrêté par les entreprises résulte de la constatation d’un écart persistant, de l’ordre de 30 % à 50%, entre le nombre de chaudières vendues sur le territoire national et le nombre de CC2 recensés par les organismes de contrôle. Certaines exemptions (cas des ERP par exemple) peuvent en partie expliquer cet écart, mais pas en totalité. Cette anomalie est par conséquent le signe que des installations sont réalisées sans bénéficier du CC2 qui y est normalement attaché, autrement dit que certains installateurs ne respectent pas l’arrêté, soit par méconnaissance des règles en vigueur, soit délibérément. D’où les contrôles menés par nos collègues inspecteurs de l’environnement, tant chez les professionnels du gaz (PG) que chez les non PG.

Simon Cadio :

Parmi les Directions régionales de l’environnement, la DRIEAT est le pôle de compétence sur la thématique du gaz pour l'Île de France. C’est donc tout naturellement que nous nous sommes portés volontaires pour cette action ciblée sur les CC2, d’autant qu’il s’agit là d’un élément essentiel de la prévention des risques liés à l’utilisation du gaz. Attestant que l’installation intérieure d’un logement est conforme aux normes en vigueur, le CC2 est un document que tout professionnel a l’obligation de remettre au propriétaire/usager à l’issue de bon nombre d’interventions, notamment le remplacement des appareils. Ce point est d’ailleurs l’un de ceux dont nous pensions qu’il n’avait pas forcément été bien compris par tous les professionnels : le cas échéant, nos contrôles étaient l’occasion de le leur rappeler.

En dehors de cette possible méconnaissance des règles, quelles sont selon vous les raisons pour lesquelles des installateurs pourraient ne pas rédiger tous les CC2 nécessaires et quelles sont les sanctions prévues dans ce cas ?

Audrey Pingard :

Ne pas délivrer de CC2 pour un non PG, c’est éviter le contrôle - en l’occurrence systématique - de son travail par un organisme habilité et le coût associé. Le PG, lui, ne peut pas éviter totalement les contrôles, puisqu’il doit s’y soumettre au moins une fois par an et tous les 25 certificats, mais il en réduirait ainsi le nombre et les contraintes organisationnelles qui s’y rattachent. Les conséquences d’un tel comportement, au-delà de la résiliation de l’appellation PG pour ceux qui en bénéficient, ce sont des sanctions administratives, voire des sanctions pénales. En cas d’accident et en l’absence de CC2 alors que l’installateur était tenu d’en délivrer un, sa responsabilité est engagée.

Comment ces contrôles ont-ils été menés en pratique ?

Simon Cadio :

Dans un premier temps, nous avons tenté de réaliser des contrôles inopinés en nous rendant dans les locaux de plusieurs plombiers-chauffagistes de la région parisienne choisis de manière aléatoire. L’objectif était d’examiner la liste complète de leurs chantiers dans le domaine du gaz et de vérifier par sondage que ceux qui étaient soumis à un CC2 avaient été émis dans le respect de cette obligation. Des contrôles très simples en réalité. Pour autant, sur place, nous nous sommes retrouvés face à des entreprises non seulement étonnées d’avoir affaire à l’Inspection de l'environnement, mais méfiantes, pour la bonne raison qu’elles ignoraient être concernées par une disposition prenant place dans le Code de l’environnement. Concrètement, cet effet de surprise nous a empêché d’échanger sereinement avec les intéressés. Bien sûr, nous aurions pu faire valoir nos pouvoirs de police. Mais compte-tenu de l’objectif pédagogique de cette première série de contrôles, nous avons finalement préféré différer ces inspections en fixant des rendez-vous préalablement annoncés par courrier officiel puis confirmés par téléphone. Et tout s’est alors bien mieux déroulé.

Quelles ont été vos constatations sur le terrain ?

Audrey Pingard :

Pour la deuxième session d’inspections, celle réalisée après rendez-vous, je me suis rendue sur place avec mon collègue Simon Cadio. Comme nous nous y attendions, il s’est avéré qu’une partie des CC2 qui auraient dû être émis par ces entreprises ne l’ont pas été parce que, nous ont-elles majoritairement expliqué, elles croyaient en l’espèce en être dispensées notamment lors d'un remplacement d'appareil, ce qui n'est évidemment pas le cas. Dans notre échantillon d’une demi-douzaine de plombiers-chauffagistes, il n’y en a en fait qu’un seul à qui nous n’avons rien eu à reprocher. Peut-être parce qu’il fait principalement de l’entretien et très peu d’installations... Quant aux autres, nous leur avons laissé un délai raisonnable pour qu’ils régularisent leur situation.

Simon Cadio :

Il y a en effet dans cet échantillon des professionnels avec lesquels nous avions déjà eu plus de mal à échanger et qui, à présent, tardent à nous apporter la preuve de leur régularisation. Mais dans l’ensemble, hormis la méconnaissance de certaines obligations que nous leur avons justement ré-expliquées, une bonne proportion des manquements constatés me semble pouvoir être attribuée à des problèmes d’organisation. Par manque de temps à un moment donné, on peut imaginer que des entreprises repoussent la rédaction d’un CC2 et finissent malheureusement par ne plus y penser.

Quelle suite allez-vous donner à cette « expérimentation » ?

Audrey Pingard :

Bien qu’ils soient riches d’enseignements, ces contrôles n’ont pour l’instant pas été déployés à une échelle suffisante pour en tirer des conclusions définitives. Pour aller plus loin, nous envisageons d’étendre le dispositif à d’autres régions que l’Île-de-France. En parallèle, des actions d'information de la profession vont être menées. Nous souhaitons également améliorer l’information des particuliers quant à l’obligation des installateurs de leur délivrer un CC2 après l'installation ou un changement de chaudière. Enfin, une réflexion est actuellement en cours pour renforcer les sanctions financières en cas de manquement à cette obligation et les futurs contrôles seront plus répressifs que pédagogiques. Toutes ces actions devraient permettre d'augmenter le taux d'émission des CC2.

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